Aux rois de l’improvisation et de la bricole

Le capitalisme ne se supporte plus et gouverner tient à des bouts de ficelle. Au fil de l’actualité, les exemples ne manquent pas qui n’attendent qu’à être épinglés.

Condamnées à la réduction des émissions de carbone, les transnationales du pétrole tâtonnent et toute l’industrie de l’extraction se prépare à affronter des jours maigres ou à disparaitre. La baisse durable du coût de l’énergie va durement affecter l’exploitation du gaz de schiste, des sables bitumineux et l’offshore en eau profonde, qui ne vont plus être rentables. Et la baisse du prix de l’or noir va atteindre la valorisation des grandes compagnies pétrolières. Le prenant en compte, BP petroleum a ouvert la voie en procédant à des dévalorisations d’actifs pour un montant de 17,5 milliards de dollars, mais elle devra y revenir. Pour garder « la confiance » des investisseurs, la compagnie poursuit toutefois une politique de dividendes très généreuse afin de financer la conversion d’activités vers d’autres secteurs de production de l’énergie, mais elle va prendre du temps. En tout état de cause l’âge d’or est révolu.

Certes, la demande de pétrole ne va pas disparaitre, mais cela n’empêche pas l’industrie automobile d’avoir également des soucis à se faire afin d’assurer sa propre reconversion. Le tout hydrogène qui aurait tout du miracle ne va pas en être un, en raison de son coût de production élevé. Cette technologie va être réservée en priorité au transport des marchandises et non des particuliers. Cette reconversion repose donc en priorité sur l’utilisation de batteries électriques. La filière aéronautique, fortement fragilisée, prétend quant à elle justifier les milliards apportés par la puissance publique par la conception future d’un avion fonctionnant à l’hydrogène qui a tout de l’effet d’annonce.

Il y a donc loin de la coupe aux lèvres dans ces secteurs grands émetteurs de carbone. Il en est de même dans l’isolation thermique des logements et constructions, qui demande des investissements et des travaux gigantesques. Il ne suffira pas d’agiter des milliards pour donner à ces processus l’ampleur qu’il conviendrait sans engager résolument une reconfiguration d’ensemble du système économico-financier. L’écologie est politique, impossible d’en disconvenir.

La même tentation du bricolage prévaut dans d’autres domaines où elle est la seule option disponible. Citons pour mémoire la réglementation financière, qui s’est ces temps-ci relâchée et qui a ignoré la finance de l’ombre. Ainsi que la reconfiguration de la mondialisation qui va pour l’essentiel se résumer à sa fragmentation, à quelques domaines d’activité emblématiques près. Et venons-en à l’éternelle question de l’endettement et de la méthode destinée à le rendre malgré tout soutenable.

On sait que les banques centrales poursuivent une nouvelle mission succédant à la lutte contre l’inflation en contenant les taux obligataires afin de permettre de « rouler » la dette à la faveur d’un taux privilégié. C’est plus discret que les mesures iconoclastes de création monétaire qui pullulent, tout en rendant à peu de chose près le même service, car la dette devient ainsi quasi-perpétuelle.

L’Europe est comme on l’a vu sérieusement secouée et menacée de démantèlement, ce qui donne à nos bricoleurs du dimanche une autre occasion de s’illustrer. Pris entre ce risque et la poursuite de sa construction qui l’évacuerait, ils se révèlent incapables d’engager cette dernière et se contentent faute de mieux de bouts de ficelle. Le moment « hamiltonien » (*) de l’accord franco-allemand sur un plan de relance est en train de se dégonfler, à peine a-t-il permis de pousser un soupir de soulagement. L’Union européenne va continuer cahin-caha, ses dirigeants n’ayant pas d’autre choix que de trouver un compromis marqué par le provisoire en adoptant un plan de relance mal taillé. Pour qu’un pas décisif soit franchi, il faudrait que les ressources propres de la Commission fassent un bond en avant, ils n’en sont pas là.

Le pragmatisme par défaut est la nouvelle religion en vogue dont le principe cardinal est « demain sera un autre jour ».


(*) Du nom d’Alexander Hamilton, le secrétaire du Trésor qui a mis en commun les dettes des États américains en 1790 à la suite de la guerre d’indépendance.

4 réponses sur “Aux rois de l’improvisation et de la bricole”

  1. Bonsoir,

    N’exagérons pas tout de même en comparant le roulement de la dette et les mesures iconoclastes de création monétaire. Dans un cas, nous allons très certainement avoir de la déflation. Dans l’autre, une inflation mesurée qui pourrait permettre de se délester d’une partie du fardeau. C’est donc une différence importante.

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